A la Galerie
Marianne Brand à Carouge, près de Genève, joli moment d'émotion
brute. Présentation des bols de Merete Larsen. Intelligence des
matériaux, plaisir esthétique, plénitude des formes et infinie
légèreté de matières sublimées. C'est le fruit du voyage intime
d'une artiste exigeante explorant en anachorète paisible le
mystère de la matière véritable défi de
transformation.
En funambule
tenace elle parvient à défier la pesanteur, extraire la lumière
de l'intense et opaque matière végétale et à donner à ses pièces
de bois une légèreté improbable, la transparence et la beauté de
l'opale et du verre, et pousse au paroxysme la résistance de la
matière qui atteint sa limite extrême. Merete Larsen opère un
véritable défi de transformation, passant de la masse brute du
bois à la légèreté transparente d'une matière dont on ressent
l'épure.Alchimiste des forêts, elle sélectionne les essences
rares, identifie avec soin les morceaux auxquels le temps a
conféré une beauté brute, les creuse, les patine, les tourne et
les détourne. Elle ne sculpte pas, elle accompagne la matière,
évide les masses, patiemment, puissamment pour enfin atteindre
les gestes subtils si proches de ceux d'un luthier, le bois se
fait alors plume, finesse, souffle, lorsque son épaisseur
atteint le millimètre du danger.Cette démarche solitaire au cœur
de la forêt, l'amène à défier la pesanteur des pièces et billots
immenses dont elle fait son point d'ancrage, elle travaille vers
le vide, met en lumière les couleurs, les nœuds, la vie même du
bois, dévoile avec finesse la loupe et les variations infinies
créées par le temps dans cette chair végétale.Cette approche
unique l'amène à se mettre en danger, car comment arrêter le
geste, jusqu'où creuser et sentir la limite de la résistance de
la matière si ce n'est en se mettant en empathie avec elle ?
Influencées
par la mémoire des porcelaines du XVIIIe siècle, ses pièces ont
une vibration particulière, leurs couleurs irréelles naturelles
ou rehaussées d'encres aux tonalités profondes et leurs courbes
douces et vivantes ont une sensualité unique. Leurs formes
amples et généreuses contrastent avec l'extrême finesse de leur
socle et donne à leur équilibre quelque chose de miraculeux.
Elle réalise des œuvres légères, gracieuses, lumineuses,
diaphanes et semble parvenir à atteindre cette ligne fragile qui
sépare le matériel de l'immatériel.
Edith Herlemont-LassiatGenève, avril 2006
Galerie
Marianne Brand, 20 rue Ancienne Carouge, Genève, Suisse, du 11
mars au 6 avril galerie-m.brand@genevalink.ch |